mercredi 25 mars 2009

Idomeneo de W.A Mozart - Luc Bondy / Thomas Hengelbrock

Idomeneo de Wolfgang Amadeus Mozart, mise en scène de Luc Bondy, dirigé par Thomas Hengelbrock, représentation du 14 mars 2009 à l'Opéra Garnier.

C'est désormais dans le répertoire seria de Mozart que l'opéra Garnier nous propose de s'aventurer. Le roi de Crète, Idoménée, qui vient de vaincre les Troyens, fait naufrage et afin de sauver sa vie, promet à Neptune de sacrifier la première personne qu'il croisera sur le rivage. Comble de malheur, cette personne sera Idamante, son propre fils, qu'il va tâcher de fuir, malgré l'incompréhension filiale de celui-ci. Idamante est par ailleurs amoureux d'Ilia, la fille de Priam, a qui il rend la liberté, ainsi qu'à ses compatritotes. Elle éprouve les mêmes sentiments envers Idamante mais se refuse à les accepter par respect envers ses pères tandis qu'Electre, membre de la noblesse crétoise, soupire sans succès après Idamante.
Idoménée, ne voulant pas sacrifier son fils, attire sur son peuple le courroux de Neptune qui dévaste la ville. Fidèle à son devoir, Idoménée s'apprête à sacrifier son fils lorsque Neptune intervient et accepte de commuer sa peine à l'abandon de son trône, ce qu'Idoménée accomplit volontiers en faveur de son fils, lequel peut épouser Ilia, tout le monde est heureux sauf Electre qui sort de scène pour se donner la mort.

C'est un bel opéra que Mozart a écrit là, un opéra dans lequel on reconnait sans difficulté sa touche particulièren mais aussi une originalité qu'on retrouve peu dans d'autres opéras, car ultérieurs à celui-ci. Il s'agit de la place donnée aux chanteurs, particulièrement prépondérante, et qui s'exprime par une certaine complexité de la partition et certains effets. C'est l'époque des castrats et de la virtuosité vocale, période qui se termine alors mais dont l'esprit emplit encore cet opéra. Certains passages ont été écrits pour des chanteurs de l'époque et il devient difficile de retrouver une interprétation semblable, le rôle d'Idamante était à l'origine destiné à un castrat, il est ici interprété à merveille par la soprane Joyce DiDonato. La prestation des chanteurs a été formidable, du Neptune tonitruant, à la vibrante Ilia en passant par le beau timbre d'Idoménée (Paul Groves), tous sont très bons et prêtent avec brio leurs voix aux difficiles partitions écrites par Mozart. Ma préférence va clairement à Idamante, totalement renversante, et à Electre (Mireille Delunsch), tout à fait poignante et sublime.

L'orchestre est un peu en retrait, ce qui semble normal vu l'esprit dans lequel a été écrit cet opéra, il est même un peu en décalage parfois, ce qui moins normal et quelque peu regrettable.
La mise en scène est très dynamique, très vivante, il y a beaucoup de figurants et ils occupent en général bien toute la scène. Elle est aussi assez sombre, sûrement pour rappeler la dimension tragique qui pourrait être entachée par le choix d'une soprane pour interpréter Idamante et par la fin heureuse de cet opéra, ce qui n'est pas commun dans la tradition du tragique.

Au dynamisme de cette mise en scène, fort appréciable s'il en est, j'opposerai cependant le manque d'originalité des costumes, plutôt atemporels et sans grand intérêt (une écharpe comme seul insigne royal, le port d'un manteau comme seul marque de commandement...). Je trouve par ailleurs que ce dynamisme des figurants se paye cher par le bruit bien trop gênant de leurs pas sur les planches de la scène lorsqu'il y a de grands mouvements. C'est un manque de légèreté qui contraste amèrement avec la musique de Mozart. Le jeu de scène des chanteurs est quant à lui assez beau, bien que sans grande originalité, mais aussi assez statique (souvent immobile face au public). Je pense cependant que c'est ainsi que Mozart voyait cet opéra, cette époque qui acclamait la virtuosité vocale des castrats et de quelques chanteurs vedettes voulait les entendre mais aussi les voir, le rôle de la scène et de l'orchestre étant vraiment relégués au second voire troisième rang, d'où cette manière de chanter immobile face au public.

Cet opéra est finalement très lié au contexte de son écriture et c'est dans cet esprit qu'il faut aller, non pas le voir donc, mais plutôt l'entendre, la représentation ici proposée me parait en effet assez fidèle à cet esprit (aussi est il peut être difficile de faire autrement). On vient donc écouter des chanteurs. Donner une appréciation globale de cet opéra n'est possible qu'à partir du moment où l'on accepte de placer la virtuosité vocale en critère d'appréciation prioritaire, passé ce cap je peux donc dire que cette réprésentation était sublime tant les chanteurs ont été éblouissants de talent.

Aucun commentaire: