lundi 19 octobre 2009

Break

Le blog est actuellement suspendu, son auteur ne résidant plus à Paris et se retrouvant pour l'heure condamné à une accalmie culturelle.
Je ne manquerai pas de le reprendre le moment venu, en attendant je ne peux que vous recommander d'aller écouter Nathalie Dessay chanter Bellini à Bastille cet automne.

vendredi 19 juin 2009

Demofoonte de Niccolo Jommelli - Cesare Lievi/Riccardo Muti

Demofoonte de Niccolo Jommelli à l'opera Garnier dirigé par Riccardo Muti et mis en scène par Cesare Lievi, représentation du 18 juin 2009.

L'opéra napolitain du XVIIIe siècle n'est pas très connu, je ne connaissais pas même ce compositeur, c'est un des objectifs de Riccardo Muti et son orchestre de le faire connaître. Cet opéra date de 1743, le roi de Thrace, Démofoonte (Dimitri Korchak) a deux fils, Timante (José Maria Lo Monaco), héritier du trône et époux secret de Dircéa (Maria Grazia Schiavo), et Cherinto (Valentina Coladonato) qui est amoureux de Creusa (Eleonora Buratto), la fille du roi de Phrygie, promise à Timante sur décision de leurs pères respectifs. Dircéa est fille de Matusio (Antonio Giovannini), un vassal (d'où les noces secrètes), et mère du petit Olinto avec Timante (la situation de départ est déjà complexe, vous l'aurez compris).Chaque année une vierge, tirée au sort, doit être sacrifiée aux dieux mais le roi a exclu la famille royale du tirage au sort et Matuso s'en plaint par souci pour sa fille (qu'il croit vierge), Demofoonte désigne Dircéa sans tirage au sort en guise de punition pour cette insubordination. Timante s'y oppose et le roi accepte de fléchir à condition que Timante épouse Creusa, ce qu'il ne peut accepter étant déjà marié, il décide donc de délivrer Dircéa par les armes et de s'enfuir avec elle. Après une bataille l'amour filial de Timante le fait céder devant son père mais il avoue enfin son mariage et son fils caché, le sacrifice n'aura pas lieu mais tous deux sont incarcérés.Pendant ce temps Creusa implore Démofoonte et obtient sa pitié, à peine Timante apprend t-il sa réhabilitation que Matusio vient l'informer d'une découverte qu'il a faite : Dircéa est fille de Démofoonte et non de Matuso. Timante comprend avec horreur la relation incestueuse dont il est coupable mais après maintes lamentations, tous apprennent aussi que Timante est le fils de Matuso et non de Demofoonte. Tout s'arrange donc, le véritable héritier Chérinto épousera Creusa, celle qu'il aime, Timante reste avec son épouse mais conserve l'amour paternel de Démofoonte.

L'intrigue est finalement très classique, le coup des enfants échangés à la naissance est assez amusant, d'autant plus que cette oeuvre est peu connue. Bien que très sérieux, le dernier acte de cet opéra apporte quelques touches d'humour à cause de ces "coups de théatre" aussi abrupts qu'opportuns et se termine bien.
Autre particularité, fortement liée à l'époque et l'origine de cet opéra, les voix. Sur les 7 chanteurs il y a 3 hommes dont 2 contre-ténors et un seul ténor! La voix la plus grave est donc celle de l'excellent ténor Dimitri Korchak (Demofoonte) qui donne toute son ampleur et sa majesté à ce rôle.

Dans ce contexte très baroque, taillé pour laisser parler la virtuosité vocale et notamment celle de quelque castrat, la part belle est faite aux longs solos, épuisants pour les chanteurs et même un peu pour le public. José Maria Lo Monaco a vraiment eu une tâche ardue, elle m'a même paru arriver à bout de souffle à la fin d'un solo particulièrement long et difficile. Si l'alternance des récitatifs et des arias s'enchaîne bien, certains arias sont quand même un peu longuets, les chanteurs ont beau bouger il est difficile d'avoir un jeu de scène et de captiver un public sur la même phrase pendant 10 minutes.
La tâche est moins lourde pour la fraîche voix d'Eleonora Buratto (Creusa) qui arrive tout à fait à convaincre, de même que les voix bien rondes de Valentina Coladonato (Cherinto) et Maria Grazia Schiavo (Dircéa), sans oublier la très belle performance de Korchak comme je l'ai déjà évoqué.
C'est moins le cas pour les deux contre-ténors : Antonio Giovannini manque clairement de puissance, on l'entend peut et il n'impressionne pas, que ce soit en solo ou lorsqu'il chante avec d'autres voix. Idem pou Valer Bama-Sabadus, bien que son rôle soit très court.

Je ne peux continuer sans parler de l'excellente prestation de l'orchestre et de la direction splendide de Riccardo Muti, incontestable maître de la baguette qui a été à la Scala pendant 20 ans et nous fait l'honneur d'un premier passage à Garnier. L'expérience et le talent parlent : tout est impeccable, pas un seul faux pas, la partition est sous contrôle...Ecoutez-donc, voici de la musique. C'est un peu mon regret de n'avoir pas toujours prêté attention à l'orchestre, mais c'est aussi à cela qu'on reconnaît la qualité musicale d'un opéra : lorsque l'harmonie est telle qu'on n'écoute pas deux ensemble, lyrique d'un coté, instrumental de l'autre, mais bien un seul et unique ensemble musical.
A noter une particularité musicale, il m'a semblé identifier une propension de Jommelli à terminer ses morceaux en levée. La note finale est souvent inattendue car elle monte et reste en suspens là où on s'attendrait à ce qu'elle baisse, ce qui me parait peu commun pour l'époque. Il en est de même pour le final de l'oeuvre où tous les chanteurs se retrouvent pour terminer ensemble, on s'attendrait à quelque chose de bien plus long et virtuose suite à tous les aria qui ont précédé et en réalité le final est rapide, presque abrupt (et la vitesse à laquelle le rideau est tombé contribue tout à fait à ce sentiment).

J'ai aussi été conquis par la qualité des décors et des accessoires, rien de grandiloquant ni d'une ambition titanesque mais cohérent avec l'oeuvre (c'est déjà beaucoup) et soigné, c'est du bon travail, c'est beau, ça sert l'oeuvre, que demander de plus? Les costumes sont moins dans cette veine, ils sont parfois bien mais ne détonnent pas et ne servent pas particulièrement l'oeuvre (le roi en haillons, très peu pour moi). Je trouve cela un peu dommage vu l'apropos de costumes plus fournis dans ce type d'oeuvre.

Il est évident que la présence de Riccardo Muti a fortement collaboré au remplissage de la salle tout au long des représentations mais il ne faut pas venir que pour lui. Il est sublime mais les chanteurs aussi et l'oeuvre est tout à fait intéressante (malgré quelques longueurs il faut l'admettre).
Voilà la preuve qu'on peut découvrir de nouvelles et belles choses dans l'opéra sans tomber dans l'avant-garde.

Un grand merci à Riccardo Muti à Cesare Lievi pour nous avoir fait découvrir Jommelli et son opéra d'une si belle façon.

La Tosca de Puccini - Werner Schroeter/Stefan Solyom

La Tosca de Giacomo Puccini à l'opera Bastille dirigé par Stefan Solyom et mis en scène par Werner Schroeter, représentation du 2 juin 2009.

C'est un grand opéra, joué depuis longtemps par les plus grands, et joué ici avec brio.

Pour resituer rapidement le contexte, nous sommes à Rome au moment ou Napoléon marche sur Marengo, Mario Cavaradossi (Aleksandrs Antonenko), peintre et républicain, est amant de Floria Tosca (Adina Nitescu), archétype de la femme jalouse au caractère bien trempé. Cesare Angelotti (Wojtek Smilek), républicain engagé incarcéré pour son titre politique vient de s'échapper du chateau saint Ange et vient se réfugier chez Cavaradossi pour échapper à l'infâme Scarpia (James Morris), chef de la police cruel et débauché qui cache son iniquité sous sa fonction et son titre de baron. Mais Scarpia retrouve la trace d'Angelotti et arrête Cavaradossi.
Ne réussissant pas à le faire parler, il fait pression sur Tosca qui finit par parler pour sauver son amant et obtient un sauf conduit pour partir avec lui en échange d'un moment "d'intimité" avec Scarpia. Mais la Tosca n'est pas femme facile et la seule étreinte que Scarpia obtient est celle de la mort. Malheureusement Scarpia avait menti et ce qui devait être un simulacre d'exécution était une exécution bien réelle et Cavaradossi meurt fusillé, la Tosca désespérée se jette dans le vide.

Cet opéra est d'une grande intensité tragique qui arrive à son paroxysme, comme toujours, à la fin. Cette intensité est servie par une formidable interprétation à la fois de l'orchestre, qui a réalisé une très belle performance, et des chanteurs qui ont réellement été sublimes. Ma préférence va au duo Nitescu/Morris (Scarpia et Tosca), les plus belles voix de cette représentation à mon goût qui réussissent leurs duos à merveille et jouent aussi bien qu'ils chantent.

Lors d'une telle représentation, on peut imaginer la pression des grandes représentations données dans le passé qui s'exerce sur les chanteurs, la barre est haute et certains dans la salle ont entendu Pavarotti ou Callas chanter cet opéra (ce n'est pas mon cas). J'ai été cependant frappé par l'influence de ces grands de l'opéra aujourd'hui, notamment par Adina Nitescu dont on perçoit l'inspiration Maria Callas, que ce soit dans la voix ou l'attitude on voit qu'elle a travaillé en s'inspirant de la Callas et le résultat est sublime.

Les seuls bémols que je note sur cette réprésentation sont pour les décors de fond qui sont peu harmonieux avec tout le reste, pas même avec les accessoires (très réussis quant à eux, tout comme les costumes), et cela va de mal en pis au fur et à mesure qu'on approche de la fin, dommage. Au niveau de la mise en scène tout n'est pas très clair, lors du dernier acte on voit pendant l'ouverture un pâtre (ou un fauconnier) dont le rôle m'échappe encore, de même pour le soldat qu'on retrouve mort au réveil, il n'est pas normal que certaines scènes restent incomprises. Un autre défaut est la procession de la fin du premier acte, bien que les costumes et accessoires soient tout à fait crédibles, il est regrettable que l'ordre et la tenue de la procession ne le soient pas, il y a un dais mais l'ostensoir n'est pas dessous et tous les participants sont tendus vers... vers quoi au juste? vers le dais? vers l'évêque? Le metteur en scène aurait pu faire l'effort d'un conseiller religieux ou simplement d'une recherche rapide pour savoir que le coeur d'une procession eucharistique c'est l'eucharistie.

C'est d'une importance secondaire mais cela empêche cette représentation d'atteindre les sommets car le reste y était, je la recommande donc vivement, un bel opéra servi par une excellente prestation des chanteurs et de l'orchestre.

Merci pour cette soirée!

Un bal masqué de Verdi - Gilbert Deflo/Renato Palumbo

Un bal masque de Verdi, dirigé par Renato Palumbo et mis en scène par Gilbert Deflo, donné à l'Opéra Bastille le 6 mai 2009.
Voilà du Verdi, et du beau Verdi, servi par un orchestre assez talentueux et une mise en scène globalement réussie. J'ai cependant le regret de n'avoir pas pu entendre Ramon Vargas, celui-ci ayant étant souffrant les 2 représentations pour lesquelles j'ai tenté ma chance. Evan Bowers, bien que talentueux, était un peu décevant et manquait de carrure pour ce rôle central. J'ai également raté Deborah Voigt mais Angela Brown tenait bien le rôle avec une voix puissante
qui emplissait la salle, contrairement à celle d'Evan Bowers.
Ayant beaucoup de retard sur cette critique, je ne peux m'étaler sur la qualité de chaque chanteur et de l'orchestre faute de mémoire mais je garde un bon souvenir musical en général.
Les décors sont bien mais un peu vides, pas très ambitieux à mon goût, les costumes en revanche sont plutôt réussis, ils gardent une certaine temporalité et parviennent à mettre en valeur les personnages.
Evidemment on ne peut parler de cet opéra sans la scène du bal, très attendue car scène finale, qui est vraiment formidable sur tous les plans. L'opéra vaut le coup pour cette seule scène : partition, livret, décors, costumes, danseurs, chorégraphie, tout est magique et formidable dans cette scène. Même l'histoire, malheureuse comme souvent, est magnifique car pleine d'espérance avec le pardon qui est donné par la victime innocente.

Un très bon opéra qui vaut le coup, ne serait-ce que pour le dernier acte.

mercredi 25 mars 2009

Idomeneo de W.A Mozart - Luc Bondy / Thomas Hengelbrock

Idomeneo de Wolfgang Amadeus Mozart, mise en scène de Luc Bondy, dirigé par Thomas Hengelbrock, représentation du 14 mars 2009 à l'Opéra Garnier.

C'est désormais dans le répertoire seria de Mozart que l'opéra Garnier nous propose de s'aventurer. Le roi de Crète, Idoménée, qui vient de vaincre les Troyens, fait naufrage et afin de sauver sa vie, promet à Neptune de sacrifier la première personne qu'il croisera sur le rivage. Comble de malheur, cette personne sera Idamante, son propre fils, qu'il va tâcher de fuir, malgré l'incompréhension filiale de celui-ci. Idamante est par ailleurs amoureux d'Ilia, la fille de Priam, a qui il rend la liberté, ainsi qu'à ses compatritotes. Elle éprouve les mêmes sentiments envers Idamante mais se refuse à les accepter par respect envers ses pères tandis qu'Electre, membre de la noblesse crétoise, soupire sans succès après Idamante.
Idoménée, ne voulant pas sacrifier son fils, attire sur son peuple le courroux de Neptune qui dévaste la ville. Fidèle à son devoir, Idoménée s'apprête à sacrifier son fils lorsque Neptune intervient et accepte de commuer sa peine à l'abandon de son trône, ce qu'Idoménée accomplit volontiers en faveur de son fils, lequel peut épouser Ilia, tout le monde est heureux sauf Electre qui sort de scène pour se donner la mort.

C'est un bel opéra que Mozart a écrit là, un opéra dans lequel on reconnait sans difficulté sa touche particulièren mais aussi une originalité qu'on retrouve peu dans d'autres opéras, car ultérieurs à celui-ci. Il s'agit de la place donnée aux chanteurs, particulièrement prépondérante, et qui s'exprime par une certaine complexité de la partition et certains effets. C'est l'époque des castrats et de la virtuosité vocale, période qui se termine alors mais dont l'esprit emplit encore cet opéra. Certains passages ont été écrits pour des chanteurs de l'époque et il devient difficile de retrouver une interprétation semblable, le rôle d'Idamante était à l'origine destiné à un castrat, il est ici interprété à merveille par la soprane Joyce DiDonato. La prestation des chanteurs a été formidable, du Neptune tonitruant, à la vibrante Ilia en passant par le beau timbre d'Idoménée (Paul Groves), tous sont très bons et prêtent avec brio leurs voix aux difficiles partitions écrites par Mozart. Ma préférence va clairement à Idamante, totalement renversante, et à Electre (Mireille Delunsch), tout à fait poignante et sublime.

L'orchestre est un peu en retrait, ce qui semble normal vu l'esprit dans lequel a été écrit cet opéra, il est même un peu en décalage parfois, ce qui moins normal et quelque peu regrettable.
La mise en scène est très dynamique, très vivante, il y a beaucoup de figurants et ils occupent en général bien toute la scène. Elle est aussi assez sombre, sûrement pour rappeler la dimension tragique qui pourrait être entachée par le choix d'une soprane pour interpréter Idamante et par la fin heureuse de cet opéra, ce qui n'est pas commun dans la tradition du tragique.

Au dynamisme de cette mise en scène, fort appréciable s'il en est, j'opposerai cependant le manque d'originalité des costumes, plutôt atemporels et sans grand intérêt (une écharpe comme seul insigne royal, le port d'un manteau comme seul marque de commandement...). Je trouve par ailleurs que ce dynamisme des figurants se paye cher par le bruit bien trop gênant de leurs pas sur les planches de la scène lorsqu'il y a de grands mouvements. C'est un manque de légèreté qui contraste amèrement avec la musique de Mozart. Le jeu de scène des chanteurs est quant à lui assez beau, bien que sans grande originalité, mais aussi assez statique (souvent immobile face au public). Je pense cependant que c'est ainsi que Mozart voyait cet opéra, cette époque qui acclamait la virtuosité vocale des castrats et de quelques chanteurs vedettes voulait les entendre mais aussi les voir, le rôle de la scène et de l'orchestre étant vraiment relégués au second voire troisième rang, d'où cette manière de chanter immobile face au public.

Cet opéra est finalement très lié au contexte de son écriture et c'est dans cet esprit qu'il faut aller, non pas le voir donc, mais plutôt l'entendre, la représentation ici proposée me parait en effet assez fidèle à cet esprit (aussi est il peut être difficile de faire autrement). On vient donc écouter des chanteurs. Donner une appréciation globale de cet opéra n'est possible qu'à partir du moment où l'on accepte de placer la virtuosité vocale en critère d'appréciation prioritaire, passé ce cap je peux donc dire que cette réprésentation était sublime tant les chanteurs ont été éblouissants de talent.

vendredi 20 mars 2009

Werther de Massenet - Jurgen Rose / Kent Nagano

Werther de Jules Massenet est mis en scène par Jurgen Rose et dirigé par Kent Nagano, la représentation est celle du 6 mars 2009 à l'opéra Bastille.

Werther est un drame tiré de Goethe, la scène se passe à Francfort, c'est l'histoire d'une jeune femme, Charlotte (Susan Graham), qui a promis à sa mère mourante d'épouser Albert (Ludovic Tézier), un homme ayant une bonne situation mais dont elle n'est pas amoureuse. Elle est au contraire tombée passionnément amoureuse de Werther, joué ici par le baryton Rolando Villazon (ce qui est rare dans cet opéra), passion qui est réciproque mais qu'elle se refuse à avouer à cause de son serment.
Susan accomplit son devoir et épouse Albert, Werther ne tient plus et veut partir, elle lui dit de revenir à Noel mais lui dit qu'il ne reviendra pas. Il revient malgré tout à Noel, Susan avoue enfin ses sentiments mais ne peut tromper son mari. Werther se donne la mort mais se sait pardonné lorsqu'il entend les chants de Noël.

Cet opéra, bien que dramatique et très marqué par le protestantisme (le "devoir" de Susan revient comme un leitmotiv, reste porteur d'espérance avec ce thème de Noel toujours en demi-teinte, ce qui le rend d'autant plus beau.
Cette représentation fut très impressionnante tant sur le plan musical que scénique, Rolando Villazon prête à merveille sa belle voix de baryton, une gravité qui rend parfaitement la dimension tragique insufflée par Goethe, de même que Susan Graham qui est poignante de justesse dans la douleur et le déchirement qu'elle exprime. Je mettrai un bémol pour l'un des interprètes secondaires (Christian Jean) et pour l'harmonie chanteurs/orchestre, il y a des moments où un léger décalage entre ceux-ci s'est fait entendre. C'est là le seul bémol que je mettrai car tout le reste était excellent.

La mise en scène en fait partie, de très bonnes idées, beaucoup de vie dans le jeu de scène et de justesse dans l'ambiance ainsi rendue. La joie et l'harmonie du début tranche clairement avec la dureté de l'éloignement à la fois physique et affectif entre Werther et Charlotte, avant et même après les retrouvailles de Noel.
La scène est composée d'un rocher central sur lequel est disposé le bureau de Werther (un bureau de poète, hommage à l'auteur) autour duquel le décor tourne, ce rocher illustre le départ et l'isolement de Werther. L'utilisation de ce décor est plutôt géniale : à l'ouverture de chaque acte, un rideau fin sur lequel des extraits de l'opéra sont comme griffonés est baissé et l'on peut voir par transparence Werther posant sur son rocher illuminé et le décor et ses accessoires tournant autour dans la pénombre. En bref, le rendu est très visuel, très esthétique et frappant de profondeur.
Le jeu de scène est lui aussi imprégné de ce dynamisme circulaire et occupe bien l'espace, cette dimension circulaire imprègne en fait toute la représentation et rajoute au tragique de la scène qui se déroule sous nos yeux.

Pour conclure, car il faut bien finir, je dirai simplement que c'est beau, très beau, très prenant et vraiment réussi. Il est par ailleurs agréable d'entendre un opéra en français, ce qui est rare cette année. Profitez-en, c'est à ne pas manquer.

jeudi 19 mars 2009

Le nozze di Figaro de W.A Mozart - J-L Martinoty / M. Minkowski

Le nozze di Figaro de W.A Mozart, mis en scène par Jean-Louis Martinoty et dirigé par Marc Minkowski, donné au Théatre des Champs Elysées, représentation du 3 mars 2009.

Je ne m'attarderai pas sur le fond de l'histoire que l'on peut trouver dans la pièce de théatre "le mariage de figaro" que j'ai déjà commenté précédemment.
Une belle performance tant des chanteurs que des musiciens, une très bonne partition musicale, rien d'étonnant puisque les musiciens du Louvre sont dirigés sous la baguette magique de Marc Minkowski avec légèreté et précision, rien non plus à reprocher aux chanteurs, qualité, puissance, justesse du ton, tout était là.
La mise en scène assez classique, d'époque, est plutôt bonne, sans grande originalité cependant, on peut même trouver qu'elle manque de relief et ne met pas tellement en valeur l'opéra mais en fait elle ne le gène pas non plus. Si cette mise en scène reste de qualité, je trouve en effet qu'elle reste un peu sclérosée parfois, certaines scènes manquent de mouvement et l'espace n'y est pas assez occupé et approprié par les acteurs, le jeu de scène est bon mais pas toujours assez dynamique. Elle comporte cependant de bonnes idées et des décors et accessoires de qualité, j'ai notamment bien aimé le jeu de transparence et de lumière pour illustrer le jeu des déguisements lors de la scène dans les bois du dernier acte.
Mais comme je l'ai écrit, ça ne gène pas l'ensemble, c'est très beau, très bien joué et chanté, les petites insuffisances de certains épisodes de cette mise en scène empêchent juste la représentation d'atteindre l'excellence et de faire exception, donc au delà d'une perfection qui est déjà atteinte ici, il faut le reconnaître.
Les chanteurs sont excellents et le livret également, cet opéra de Mozart est un classique de l'opéra-bouffe, drôle, beau et divertissant. C'est dans cet opéra que l'on peut entendre un des grands airs de l'opéra, et un de mes préféré (et clairement mon duo préféré), Canzonetta sull'aria, lorsque la Comtesse et sa servante écrivent la lettre pour le Comte, qui est magnifiquement interprété ici.
C'est donc un magnifique opéra que je vous conseille, très bien interprété, il manque ce petit quelque chose d'originalité pour pouvoir être qualifié d'exceptionnel, mais on peut difficilement être déçu.

mercredi 18 février 2009

Madame Butterfly de Puccini - Robert Wilson

Madame Butterfly de Giacomo Puccini mis en scène par Robert Wilson et dirigé par Vello Pahn, séance du 4 février à l'opéra Bastille.

Dans les années 1900, Pinkerton, un officier américain de passage à Nagasaki épouse une gueisha, Cio-cio San, Madame Butterfly. Alors qu'il considère ce mariage avec légèreté, elle le prend au contraire très au sérieux et renie ses traditions et sa culture natale au profit de celle de son époux. Ce dernier rentre alors aux Etats-Unis, laissant Madame Butterfly seule mais enceinte. Elle s'obstine à croire en son mari et repousse ses prétendants pendant 3 ans. Celui-ci revient alors accompagné de sa nouvelle femme et s'enfuit aussitôt en découvrant le drame qu'il a engendré, drame qui s'achève par le suicide de Madame Butterfly.

L'oeuvre émouvante de Puccini trouve ici un cadre idéal, le style nippon de l'opéra Bastille colle tout à fait avec le thème de cet opéra. La mise en scène sobre adoptée par Robert Wilson correspond elle aussi très bien au ton du spectacle, calme et épuré.
Un grand panneau lumineux en fond sert principalement à figurer le moment de la journée et le seul décor restant est le sol type jardin japonais. Quelques accessoires supplémentaires n'auraient peut être pas fait défaut, le cerisier par exemple, et auraient donné un peu de relief à l'espace scénique.
Le jeu de scène très esthétique et très soigné donne quant à lui toute sa profondeur au drame de Mme Butterfly, drame intérieur, sans violences ni souffrances apparentes, mais cachées, intériorisées, jusqu'à ne permettre qu'un unique dénouement, ou plutot une fuite.
La prestation est ainsi très bien servie par les chanteurs qui ont tous été très bons. Je mettrais juste un bémol pour Adina Nitescu (Mme Butterfly) qui ne devait pas être très en voix ce soir là : Bien que je sois très bien placé, il m'était impossible de l'entendre à son arrivée au début de la représentation et son volume de voix est resté faible tout au long du 1er acte. Les variations de température et d'hygrométrie dans les jours qui ont précédé l'expliquent peut être mais c'était un peu inquiétant. Après la reprise, tout allait bien et le charme et la tristesse de cette tragédie ont pu opérer.

D'un point de vue musical la prestation était de bonne qualité, l'orchestre était à sa place et les notes également. Je ne sais pas si on peut déjà parler de tendance mais je note que les opéras auxquels j'ai eu la joie d'assister ces derniers temps jouissaient d'un bon équilibre entre le chant et la musique. Pourvu que ça dure!

En conclusion Madame Butterfly est un bon moment d'opéra, dépaysant et émouvant, emblématique de l'âme humaine dans sa démesure, capable d'amour jusqu'à l'aveuglement et capable de lacheté jusqu'à la cruauté.

mardi 27 janvier 2009

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand - Denis Podalydès

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand mis en scène par Denis Podalydès avec Michel Vuillermoz dans le rôle de Cyrano, séance du 26 janvier.

Un grand classique joué dans une belle scène, servi par de très bons acteurs et une mise en scène fidèle à Rostand, grand succès, complet tous les soirs, et à raison.

On ne se lasse pas de Cyrano et sa verve fière et superbe, de ce personnage hors du commun, libre et démuni, craint et admiré, somme toute assez simple et naturel mais terriblement complexé par son appendice. Tous font figure de personnages grotesques ou sans envergure à coté de lui et Michel Vuillermoz, avec un dynamisme et une justesse remarquables incarne très bien le personnage.
Ce n'est pas une pièce facile à cause des nombreux décors et à cause des textes, si la pièce est en vers il ne s'agit pas déclamer du Racine. C'est une des belles réussites de cette représentation, le texte coule sans perdre la poésie (ou le comique, selon) des vers. Cela exige cependant d'être bien situé (ce qui n'est pas aisé étant donné le succès du spectacle) pour entendre tout le texte intelligiblement.

Les décors, costumes et accessoires sont également très réussis, fidèles à la pièce, ils servent bien la mise en scène. une mise en scène dynamique, efficace et esthétique, l'espace scénique est bien occupé et met en valeur le jeu des acteurs.

Je dois avouer qu'il m'est difficile de prendre du recul vis à vis de cette pièce (un comble vu le titre de ce blog!), le texte est tellement savoureux que je ne peux m'empêcher de l'écouter avec délectation. Pour peu qu'il soit bien déclamé, j'ai du mal à voir des points négatifs dans le reste de la pièce. Peut être aussi qu'il n'y en a pas... A vous donc d'aller le voir et de m'en faire des retours!
De toute façon, on ne manque jamais sa soirée lorsqu'on la passe avec Cyrano !

Vespro della Beata Vergine de Monteverdi - Olek Kulik

Les Vespro della Beata Vergine de Monteverdi ont été chantées au théatre Châtelet le 24 janvier, dirigées par Jean-Christophe Spinosi et mises en scènes (!) Olek Kulik.

Je ne serai pas long, il y a du très bon et du très mauvais.

Commençons par le très bon (ça sera bref) : les vêpres. C'est cela qui me semble être affiché. Les chanteurs sont excellents, les musiciens aussi, et l'oeuvre de Monteverdi est un monument à la beauté, une merveille baroque qui compte bien peu de rivaux.

Voilà pour le beau, passons au laid.
Le fait de placer l'orchestre sur scène et de faire ballader les chanteurs un peu partout dans le théatre est original, en soi cela ne pose que le problème d'une acoustique irrégulière pour les spectateurs mais cela va en fait de pair avec le reste de la "mise en scène" de ce concert : des lumières dans tous les sens, des films, des dessins, des danseurs, des accessoires, des costumes bizarres, des extraits sonores etc...
Tout cela converge vers une seule fin : le massacre pur et simple des vêpres de Monteverdi. Je ne vais pas m'attarder sur chaque détail mais tout est fait dans cette mise en scène pour nous distraire, occuper nos sens, nous sortir de l'oeuvre et de son essence. Dois-je rappeler que ces textes sont des prières? Et des prières tout ce qu'il y a de plus catholique et non pas bouddhiques, païennes, musulmanes ou autre. Je m'insurge là contre la projection chaotique de symboles vaguement religieux (il y a même des croix gammées!!!) au cours du spectacle, dans un synchrétisme plus ou moins religieux éloquent de médiocrité.

Je m'insurge également sur le fait que même en fermant les yeux durant tout le spectacle il serait impossible d'échapper au carnage puisque chaque interlude entre les différentes parties de ces vêpres est ponctué d'extraits sonores en tout genre qui contrastent radicalement avec l'oeuvre et donc une fois de plus, nous empêchent de plonger dans l'oeuvre, ce qui est tout à fait insupportable.

Enfin je soulignerai un moment qui constitue pour l'instant la plus terrible expérience "musicale" de ma vie : l'entracte.
Non que je fus impatient que le spectacle reprenne mais durant les 25 minutes d'entracte (sic), sans fléchir, des sortes de tibétains de carnaval on soufflé dans leurs grandes trompes qui passaient sous le parterre. Il en résulta un son des plus laids mais d'une puissance à vous décoller la plèvre et qui, sûrement de peur que tout le monde ne puisse pas en profiter, était transmis dans le hall principal. La scène se produisant juste devant la scène où j'étais assis et attirant beaucoup de curieux, j'ai dû endurer ce bruit à plein volume un quart d'heure durant et j'ai ensuite dû sortir du théatre pour y échapper complètement.
Ainsi, non seulement le ton des Vêpres est complètement brisé mais on profite de la pause pour vous transmettre une sorte de stress et d'oppression que ces grandes trompes ont la curieuse faculté de vous faire ressentir!

En fait je crois qu'il faudrait se boucher les oreilles pour apprécier ce spectacle, on aurait ainsi l'impression d'être au cirque et l'on passerait une bien meilleure soirée qu'en écoutant ce massacre! Je ne sais pas quelle est l'intention de Mr Kulik mais il vaut peut être mieux que je n'en sache rien, ce spectacle est une honte et une insulte à l'oeuvre de Monteverdi.

vendredi 23 janvier 2009

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch - Martin Kusej

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, opéra en 4 actes et 9 tableaux mis en scène par Martin Kusej et dirigé par Hartmut Haenchen, représentation du 22 janvier 2009.

Je ne sais par où commencer tellement cette représentation était un succès. Commençons donc par l'histoire : Katarina est la femme d'un riche marchand, son beau-père lubrique veille sur ce mariage sans amour et Katarina s'ennuie dans sa cage dorée. Tombée follement amoureuse d'un ouvrier, Sergueï, elle assassine son beau-père et fait assassiner son mari par Sergueï afin de l'épouser et de récupérer le commerce de ses victimes. Mais le cadavre est découvert et la police arrête les nouveaux époux qui sont condamnés à marcher vers la Sibérie, chemin au cours duquel Sergueï repousse Katarina, aigri par la situation où elle l'a mené.Il se précipité aussitot vers une nouvelle conquête qui vient narguer Katarina. Katarina, aussi cruellement coupable que victime pousse le cri déchirant de son désarroi et se suicide, entrainant sa rivale dans la mort.

Eva-Maria Westbroek est époustouflante dans ce rôle de Katarina, Michael König est aussi très bon en Sergueï mais il reste en second plan tellement Katarina occupe l'espace (sonore comme scénique). Il est vrai que son physique ne correspond pas forcément à celui qu'on attend premièrement de l'ouvrier grand et beau qui séduit Katarina, mais au final on s'aperçoit que ça colle bien à l'esprit de la mise en scène.
La mise en scène, parlons-en, il y a tant à dire. Je dois dire qu'au début il m'a semblé que Martin Kusej allait un peu loin dans la vulgarité de certaines scènes, vulgarité soutenue par une musique que certains ont qualifiée de "pornographique", et il faut avouer que cet adjectif est assez approprié. Au fur et à mesure de l'opéra j'ai finalement saisi que ce n'était pas si excessif, cette sauvagerie, cette brutalité sont en réalité partie intégrante de l'esprit de cette oeuvre de Chostakovitch, esprit qui est très bien rendu par le metteur en scène.
C'est en réalité toute la mentalité russe (du moins ce que nous en connaissons par la littérature) qui s'exprime dans cet opéra, une mentalité faite de contrastes, toute dans l'excès, qui n'a pas peur des paradoxes et ne souffre ni compromis ni demi-mesures, une mentalité capable des passions les plus nobles et les plus sain(t)es jusqu'aux sentiments les plus vils et les plus cruels.

Car c'est cela Lady Macbeth de Mzensk, de la passion, de la cruauté, du sang. Un condensé des bas instincts de la Russie profonde (on comprend que l'opéra n'ait guère plu à Staline). Aucun personnage pour racheter les autres, Katarina passe de l'état de victime à celui d'adultère puis d'assassin machiavélique puis redevient victime d'une cruauté à la démesure de celle dont elle a fait preuve. Le cri qu'elle pousse à la fin exprime toute la souffrance et la complexité shakespearienne du drame qu'elle vit. C'est beau, c'est fort, c'est triste et ça vous donne des frissons. Voilà comment j'ai vécu cette représentation, un tout chaotique et terrible car fidèle à cet esprit russe mais une parfaite harmonie entre l'opéra, la mise en scène et la musique.

J'en viens ainsi à la partie musicale. Dirigé par Hartmu Haenchen, l'orchestre ne manque pas de talent et toute la dimension musicale est parfaitement ajustée avec la dimension scénique, tout à fait dans le même ton et parfaitement synchrone. La musique de Chostakovitch, déjà caractéristique de la musique russe et donc empreinte de cette passion et des excès dont je traitais plus haut, est interprêtée avec brio et dans ce même esprit. Ce qui est réellement remarquable dans la partie musicale de cet opéra, après la symbiose qu'elle opère avec le jeu de scène, c'est qu'elle s'exprime. L'orchestre est à sa place, il s'entend, est présent, il ne se contente pas de soutenir une pièce chantée. Il joue avec la scène mais il pourrait très bien être entendu sans la scène, c'est d'ailleurs ce qui se produit entre les tableaux, instants durant lesquels le rideau est baissé et l'orchestre continue. Enfin une représentation où l'orchestre est mis en valeur! Il déborde même de la fosse par moments, mais jamais dans l'interprétation qui est, comme la pièce, dans la démesure qui lui sied mais toujours sous contrôle.

Pour parler brièvement des décors, je n'ai pas été charmé par la cage en verre qui occupe tout le champ et centralise toute l'action dans les deux premiers actes, elle est assez ennuyante même. Le reste est bien, j'ai trouvé la façon de représenter la captivité dans la scène finale très convaincante avec les prisonniers déambulant au milieu des armatures metalliques et les gardes patrouillant sur le plancher au dessus. Les costumes ne sont pas exceptionnels mais ne gênent pas plus qu'il n'apportent, ils permettent de bien identifier les personnages sur une scène souvent bondée.

Vous aurez donc compris que je n'ai cesse de faire l'éloge de cette représentation, et je ne pense pas être le seul au vu de l'ovation unanime qui a rententit hier soir dans les murs de l'opéra Bastille. Une ovation bien méritée à tout point de vue.

jeudi 22 janvier 2009

Hommage à Molière - Muriel Mayette

L'Hommage à Molière donné à la Comédie Française le 17 janvier 2009 est un florilège de quelques pièces de Molière, des extraits les plus connus aux oeuvres moins populaires.

Ce florilège est entrecoupé de petites saynetes récurrentes, elles mêmes extraites ou inspirées de Molière ou en lien avec le théatre en général, et de lectures de textes ayant pour objet Molière et son oeuvre.
Ce spectacle a le mérite de pouvoir être apprécié par n'importe quel public, les moins férus de théatre y retrouveront malgré tout des références incontournable du théatre de Molière et une approche qui pourrait les réconcilier avec lui. Les plus fervants amateurs, quant à eux, y trouveront une troupe de la Comédie nageant dans son élément, les acteurs prennent plaisir à jouer et cela se ressent. Ils y trouveront aussi une mise en scène très dynamique et prenante, la transition entre les extraits est parfois du plus bel effet et les textes choisis en lecture sont d'un à-propos indéniable.

Pour parler un peu de ces textes, il faut noter qu'ils ne convergent pas forcément : l'un nous parlera d'un Molière subversif et réformateur, aucun ne nous parlera du Molière dévoué serviteur du Roi, mais un autre nous parlera de ce qu'a réellement fait Molière à mon avis : du théatre. Notre fierté nationale à l'endroit de Molière lui a fait porter de nombreuses casquettes, souvent fortement empreintes des opinions du biographe. De l'agitateur subversif (certains voudraient en faire un Voltaire!) au courtisan royal en passant par le réformateur des arts, Molière est devenu un étendard. Certains ont cependant la sagesse, et c'est ce que j'ai pu entendre dans un des textes lus ce soir là, de rendre à César ce qui lui appartient : Molière a fait du théatre, pas de la politique. Il a voulu édifier, faire rire, faire rêver. Quoi de plus normal pour un artiste et un comédien? Là est la recherche du comédien, pas celle du politicien.

Lors du spectacle, entre les extraits de Molière, les artifices du théatre nous sont présentés, sous forme poétique là encore. C'est ainsi un véritable défilé des accessoires, costumes et postiches qui vient entrecouper la représentation. Pour un amoureux de ce genre d'attributs comme je le suis (en spectacle uniquement bien sûr), c'est tout à fait plaisant et cela stimule l'imagination quant aux différentes pièces dans lesquelles ces accessoires ont été utilisés (et autant de pièces auxquelles on aurait voulu assister!). A noter au passage la qualité des décors, dessinés dans les années 50 pour le Bourgeois Gentilhomme, et des costumes pour ce spectacle.

Enfin, je ne peux m'empêcher de souligner un des textes lu vers la fin du spectacle, au risque de gâcher l'effet de surprise pour ceux qui n'auraient pas vu la pièce (car effet de surprise il y a). Il s'agit de la lecture du journal d'une prisonnière d'Auschwitz qui témoigne du montage d'une troupe et de la pièce jouée par celle-ci (le Malade imaginaire) dans les camps de la mort, au détriment du manque de ressources, aussi bien humaines que matérielles.
C'est un moment fort du spectacle qui, en dépit de sa simplicité, a ému toute l'assistance. Le silence religieux qui entourait cette lecture était éloquent, on se rend compte que le plus bel hommage que Molière ait reçu est sûrement celui de ces femmes.

Cet Hommage à Molière, et au théatre, interprété par la troupe de la Comédie Française est donc des plus réussis et salue avec brio tant le génie immortel de Molière que la richesse de l'art qu'il a servi.