vendredi 23 janvier 2009

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch - Martin Kusej

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, opéra en 4 actes et 9 tableaux mis en scène par Martin Kusej et dirigé par Hartmut Haenchen, représentation du 22 janvier 2009.

Je ne sais par où commencer tellement cette représentation était un succès. Commençons donc par l'histoire : Katarina est la femme d'un riche marchand, son beau-père lubrique veille sur ce mariage sans amour et Katarina s'ennuie dans sa cage dorée. Tombée follement amoureuse d'un ouvrier, Sergueï, elle assassine son beau-père et fait assassiner son mari par Sergueï afin de l'épouser et de récupérer le commerce de ses victimes. Mais le cadavre est découvert et la police arrête les nouveaux époux qui sont condamnés à marcher vers la Sibérie, chemin au cours duquel Sergueï repousse Katarina, aigri par la situation où elle l'a mené.Il se précipité aussitot vers une nouvelle conquête qui vient narguer Katarina. Katarina, aussi cruellement coupable que victime pousse le cri déchirant de son désarroi et se suicide, entrainant sa rivale dans la mort.

Eva-Maria Westbroek est époustouflante dans ce rôle de Katarina, Michael König est aussi très bon en Sergueï mais il reste en second plan tellement Katarina occupe l'espace (sonore comme scénique). Il est vrai que son physique ne correspond pas forcément à celui qu'on attend premièrement de l'ouvrier grand et beau qui séduit Katarina, mais au final on s'aperçoit que ça colle bien à l'esprit de la mise en scène.
La mise en scène, parlons-en, il y a tant à dire. Je dois dire qu'au début il m'a semblé que Martin Kusej allait un peu loin dans la vulgarité de certaines scènes, vulgarité soutenue par une musique que certains ont qualifiée de "pornographique", et il faut avouer que cet adjectif est assez approprié. Au fur et à mesure de l'opéra j'ai finalement saisi que ce n'était pas si excessif, cette sauvagerie, cette brutalité sont en réalité partie intégrante de l'esprit de cette oeuvre de Chostakovitch, esprit qui est très bien rendu par le metteur en scène.
C'est en réalité toute la mentalité russe (du moins ce que nous en connaissons par la littérature) qui s'exprime dans cet opéra, une mentalité faite de contrastes, toute dans l'excès, qui n'a pas peur des paradoxes et ne souffre ni compromis ni demi-mesures, une mentalité capable des passions les plus nobles et les plus sain(t)es jusqu'aux sentiments les plus vils et les plus cruels.

Car c'est cela Lady Macbeth de Mzensk, de la passion, de la cruauté, du sang. Un condensé des bas instincts de la Russie profonde (on comprend que l'opéra n'ait guère plu à Staline). Aucun personnage pour racheter les autres, Katarina passe de l'état de victime à celui d'adultère puis d'assassin machiavélique puis redevient victime d'une cruauté à la démesure de celle dont elle a fait preuve. Le cri qu'elle pousse à la fin exprime toute la souffrance et la complexité shakespearienne du drame qu'elle vit. C'est beau, c'est fort, c'est triste et ça vous donne des frissons. Voilà comment j'ai vécu cette représentation, un tout chaotique et terrible car fidèle à cet esprit russe mais une parfaite harmonie entre l'opéra, la mise en scène et la musique.

J'en viens ainsi à la partie musicale. Dirigé par Hartmu Haenchen, l'orchestre ne manque pas de talent et toute la dimension musicale est parfaitement ajustée avec la dimension scénique, tout à fait dans le même ton et parfaitement synchrone. La musique de Chostakovitch, déjà caractéristique de la musique russe et donc empreinte de cette passion et des excès dont je traitais plus haut, est interprêtée avec brio et dans ce même esprit. Ce qui est réellement remarquable dans la partie musicale de cet opéra, après la symbiose qu'elle opère avec le jeu de scène, c'est qu'elle s'exprime. L'orchestre est à sa place, il s'entend, est présent, il ne se contente pas de soutenir une pièce chantée. Il joue avec la scène mais il pourrait très bien être entendu sans la scène, c'est d'ailleurs ce qui se produit entre les tableaux, instants durant lesquels le rideau est baissé et l'orchestre continue. Enfin une représentation où l'orchestre est mis en valeur! Il déborde même de la fosse par moments, mais jamais dans l'interprétation qui est, comme la pièce, dans la démesure qui lui sied mais toujours sous contrôle.

Pour parler brièvement des décors, je n'ai pas été charmé par la cage en verre qui occupe tout le champ et centralise toute l'action dans les deux premiers actes, elle est assez ennuyante même. Le reste est bien, j'ai trouvé la façon de représenter la captivité dans la scène finale très convaincante avec les prisonniers déambulant au milieu des armatures metalliques et les gardes patrouillant sur le plancher au dessus. Les costumes ne sont pas exceptionnels mais ne gênent pas plus qu'il n'apportent, ils permettent de bien identifier les personnages sur une scène souvent bondée.

Vous aurez donc compris que je n'ai cesse de faire l'éloge de cette représentation, et je ne pense pas être le seul au vu de l'ovation unanime qui a rententit hier soir dans les murs de l'opéra Bastille. Une ovation bien méritée à tout point de vue.

Aucun commentaire: