mardi 27 janvier 2009

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand - Denis Podalydès

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand mis en scène par Denis Podalydès avec Michel Vuillermoz dans le rôle de Cyrano, séance du 26 janvier.

Un grand classique joué dans une belle scène, servi par de très bons acteurs et une mise en scène fidèle à Rostand, grand succès, complet tous les soirs, et à raison.

On ne se lasse pas de Cyrano et sa verve fière et superbe, de ce personnage hors du commun, libre et démuni, craint et admiré, somme toute assez simple et naturel mais terriblement complexé par son appendice. Tous font figure de personnages grotesques ou sans envergure à coté de lui et Michel Vuillermoz, avec un dynamisme et une justesse remarquables incarne très bien le personnage.
Ce n'est pas une pièce facile à cause des nombreux décors et à cause des textes, si la pièce est en vers il ne s'agit pas déclamer du Racine. C'est une des belles réussites de cette représentation, le texte coule sans perdre la poésie (ou le comique, selon) des vers. Cela exige cependant d'être bien situé (ce qui n'est pas aisé étant donné le succès du spectacle) pour entendre tout le texte intelligiblement.

Les décors, costumes et accessoires sont également très réussis, fidèles à la pièce, ils servent bien la mise en scène. une mise en scène dynamique, efficace et esthétique, l'espace scénique est bien occupé et met en valeur le jeu des acteurs.

Je dois avouer qu'il m'est difficile de prendre du recul vis à vis de cette pièce (un comble vu le titre de ce blog!), le texte est tellement savoureux que je ne peux m'empêcher de l'écouter avec délectation. Pour peu qu'il soit bien déclamé, j'ai du mal à voir des points négatifs dans le reste de la pièce. Peut être aussi qu'il n'y en a pas... A vous donc d'aller le voir et de m'en faire des retours!
De toute façon, on ne manque jamais sa soirée lorsqu'on la passe avec Cyrano !

Vespro della Beata Vergine de Monteverdi - Olek Kulik

Les Vespro della Beata Vergine de Monteverdi ont été chantées au théatre Châtelet le 24 janvier, dirigées par Jean-Christophe Spinosi et mises en scènes (!) Olek Kulik.

Je ne serai pas long, il y a du très bon et du très mauvais.

Commençons par le très bon (ça sera bref) : les vêpres. C'est cela qui me semble être affiché. Les chanteurs sont excellents, les musiciens aussi, et l'oeuvre de Monteverdi est un monument à la beauté, une merveille baroque qui compte bien peu de rivaux.

Voilà pour le beau, passons au laid.
Le fait de placer l'orchestre sur scène et de faire ballader les chanteurs un peu partout dans le théatre est original, en soi cela ne pose que le problème d'une acoustique irrégulière pour les spectateurs mais cela va en fait de pair avec le reste de la "mise en scène" de ce concert : des lumières dans tous les sens, des films, des dessins, des danseurs, des accessoires, des costumes bizarres, des extraits sonores etc...
Tout cela converge vers une seule fin : le massacre pur et simple des vêpres de Monteverdi. Je ne vais pas m'attarder sur chaque détail mais tout est fait dans cette mise en scène pour nous distraire, occuper nos sens, nous sortir de l'oeuvre et de son essence. Dois-je rappeler que ces textes sont des prières? Et des prières tout ce qu'il y a de plus catholique et non pas bouddhiques, païennes, musulmanes ou autre. Je m'insurge là contre la projection chaotique de symboles vaguement religieux (il y a même des croix gammées!!!) au cours du spectacle, dans un synchrétisme plus ou moins religieux éloquent de médiocrité.

Je m'insurge également sur le fait que même en fermant les yeux durant tout le spectacle il serait impossible d'échapper au carnage puisque chaque interlude entre les différentes parties de ces vêpres est ponctué d'extraits sonores en tout genre qui contrastent radicalement avec l'oeuvre et donc une fois de plus, nous empêchent de plonger dans l'oeuvre, ce qui est tout à fait insupportable.

Enfin je soulignerai un moment qui constitue pour l'instant la plus terrible expérience "musicale" de ma vie : l'entracte.
Non que je fus impatient que le spectacle reprenne mais durant les 25 minutes d'entracte (sic), sans fléchir, des sortes de tibétains de carnaval on soufflé dans leurs grandes trompes qui passaient sous le parterre. Il en résulta un son des plus laids mais d'une puissance à vous décoller la plèvre et qui, sûrement de peur que tout le monde ne puisse pas en profiter, était transmis dans le hall principal. La scène se produisant juste devant la scène où j'étais assis et attirant beaucoup de curieux, j'ai dû endurer ce bruit à plein volume un quart d'heure durant et j'ai ensuite dû sortir du théatre pour y échapper complètement.
Ainsi, non seulement le ton des Vêpres est complètement brisé mais on profite de la pause pour vous transmettre une sorte de stress et d'oppression que ces grandes trompes ont la curieuse faculté de vous faire ressentir!

En fait je crois qu'il faudrait se boucher les oreilles pour apprécier ce spectacle, on aurait ainsi l'impression d'être au cirque et l'on passerait une bien meilleure soirée qu'en écoutant ce massacre! Je ne sais pas quelle est l'intention de Mr Kulik mais il vaut peut être mieux que je n'en sache rien, ce spectacle est une honte et une insulte à l'oeuvre de Monteverdi.

vendredi 23 janvier 2009

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch - Martin Kusej

Lady Macbeth de Mzensk de Chostakovitch, opéra en 4 actes et 9 tableaux mis en scène par Martin Kusej et dirigé par Hartmut Haenchen, représentation du 22 janvier 2009.

Je ne sais par où commencer tellement cette représentation était un succès. Commençons donc par l'histoire : Katarina est la femme d'un riche marchand, son beau-père lubrique veille sur ce mariage sans amour et Katarina s'ennuie dans sa cage dorée. Tombée follement amoureuse d'un ouvrier, Sergueï, elle assassine son beau-père et fait assassiner son mari par Sergueï afin de l'épouser et de récupérer le commerce de ses victimes. Mais le cadavre est découvert et la police arrête les nouveaux époux qui sont condamnés à marcher vers la Sibérie, chemin au cours duquel Sergueï repousse Katarina, aigri par la situation où elle l'a mené.Il se précipité aussitot vers une nouvelle conquête qui vient narguer Katarina. Katarina, aussi cruellement coupable que victime pousse le cri déchirant de son désarroi et se suicide, entrainant sa rivale dans la mort.

Eva-Maria Westbroek est époustouflante dans ce rôle de Katarina, Michael König est aussi très bon en Sergueï mais il reste en second plan tellement Katarina occupe l'espace (sonore comme scénique). Il est vrai que son physique ne correspond pas forcément à celui qu'on attend premièrement de l'ouvrier grand et beau qui séduit Katarina, mais au final on s'aperçoit que ça colle bien à l'esprit de la mise en scène.
La mise en scène, parlons-en, il y a tant à dire. Je dois dire qu'au début il m'a semblé que Martin Kusej allait un peu loin dans la vulgarité de certaines scènes, vulgarité soutenue par une musique que certains ont qualifiée de "pornographique", et il faut avouer que cet adjectif est assez approprié. Au fur et à mesure de l'opéra j'ai finalement saisi que ce n'était pas si excessif, cette sauvagerie, cette brutalité sont en réalité partie intégrante de l'esprit de cette oeuvre de Chostakovitch, esprit qui est très bien rendu par le metteur en scène.
C'est en réalité toute la mentalité russe (du moins ce que nous en connaissons par la littérature) qui s'exprime dans cet opéra, une mentalité faite de contrastes, toute dans l'excès, qui n'a pas peur des paradoxes et ne souffre ni compromis ni demi-mesures, une mentalité capable des passions les plus nobles et les plus sain(t)es jusqu'aux sentiments les plus vils et les plus cruels.

Car c'est cela Lady Macbeth de Mzensk, de la passion, de la cruauté, du sang. Un condensé des bas instincts de la Russie profonde (on comprend que l'opéra n'ait guère plu à Staline). Aucun personnage pour racheter les autres, Katarina passe de l'état de victime à celui d'adultère puis d'assassin machiavélique puis redevient victime d'une cruauté à la démesure de celle dont elle a fait preuve. Le cri qu'elle pousse à la fin exprime toute la souffrance et la complexité shakespearienne du drame qu'elle vit. C'est beau, c'est fort, c'est triste et ça vous donne des frissons. Voilà comment j'ai vécu cette représentation, un tout chaotique et terrible car fidèle à cet esprit russe mais une parfaite harmonie entre l'opéra, la mise en scène et la musique.

J'en viens ainsi à la partie musicale. Dirigé par Hartmu Haenchen, l'orchestre ne manque pas de talent et toute la dimension musicale est parfaitement ajustée avec la dimension scénique, tout à fait dans le même ton et parfaitement synchrone. La musique de Chostakovitch, déjà caractéristique de la musique russe et donc empreinte de cette passion et des excès dont je traitais plus haut, est interprêtée avec brio et dans ce même esprit. Ce qui est réellement remarquable dans la partie musicale de cet opéra, après la symbiose qu'elle opère avec le jeu de scène, c'est qu'elle s'exprime. L'orchestre est à sa place, il s'entend, est présent, il ne se contente pas de soutenir une pièce chantée. Il joue avec la scène mais il pourrait très bien être entendu sans la scène, c'est d'ailleurs ce qui se produit entre les tableaux, instants durant lesquels le rideau est baissé et l'orchestre continue. Enfin une représentation où l'orchestre est mis en valeur! Il déborde même de la fosse par moments, mais jamais dans l'interprétation qui est, comme la pièce, dans la démesure qui lui sied mais toujours sous contrôle.

Pour parler brièvement des décors, je n'ai pas été charmé par la cage en verre qui occupe tout le champ et centralise toute l'action dans les deux premiers actes, elle est assez ennuyante même. Le reste est bien, j'ai trouvé la façon de représenter la captivité dans la scène finale très convaincante avec les prisonniers déambulant au milieu des armatures metalliques et les gardes patrouillant sur le plancher au dessus. Les costumes ne sont pas exceptionnels mais ne gênent pas plus qu'il n'apportent, ils permettent de bien identifier les personnages sur une scène souvent bondée.

Vous aurez donc compris que je n'ai cesse de faire l'éloge de cette représentation, et je ne pense pas être le seul au vu de l'ovation unanime qui a rententit hier soir dans les murs de l'opéra Bastille. Une ovation bien méritée à tout point de vue.

jeudi 22 janvier 2009

Hommage à Molière - Muriel Mayette

L'Hommage à Molière donné à la Comédie Française le 17 janvier 2009 est un florilège de quelques pièces de Molière, des extraits les plus connus aux oeuvres moins populaires.

Ce florilège est entrecoupé de petites saynetes récurrentes, elles mêmes extraites ou inspirées de Molière ou en lien avec le théatre en général, et de lectures de textes ayant pour objet Molière et son oeuvre.
Ce spectacle a le mérite de pouvoir être apprécié par n'importe quel public, les moins férus de théatre y retrouveront malgré tout des références incontournable du théatre de Molière et une approche qui pourrait les réconcilier avec lui. Les plus fervants amateurs, quant à eux, y trouveront une troupe de la Comédie nageant dans son élément, les acteurs prennent plaisir à jouer et cela se ressent. Ils y trouveront aussi une mise en scène très dynamique et prenante, la transition entre les extraits est parfois du plus bel effet et les textes choisis en lecture sont d'un à-propos indéniable.

Pour parler un peu de ces textes, il faut noter qu'ils ne convergent pas forcément : l'un nous parlera d'un Molière subversif et réformateur, aucun ne nous parlera du Molière dévoué serviteur du Roi, mais un autre nous parlera de ce qu'a réellement fait Molière à mon avis : du théatre. Notre fierté nationale à l'endroit de Molière lui a fait porter de nombreuses casquettes, souvent fortement empreintes des opinions du biographe. De l'agitateur subversif (certains voudraient en faire un Voltaire!) au courtisan royal en passant par le réformateur des arts, Molière est devenu un étendard. Certains ont cependant la sagesse, et c'est ce que j'ai pu entendre dans un des textes lus ce soir là, de rendre à César ce qui lui appartient : Molière a fait du théatre, pas de la politique. Il a voulu édifier, faire rire, faire rêver. Quoi de plus normal pour un artiste et un comédien? Là est la recherche du comédien, pas celle du politicien.

Lors du spectacle, entre les extraits de Molière, les artifices du théatre nous sont présentés, sous forme poétique là encore. C'est ainsi un véritable défilé des accessoires, costumes et postiches qui vient entrecouper la représentation. Pour un amoureux de ce genre d'attributs comme je le suis (en spectacle uniquement bien sûr), c'est tout à fait plaisant et cela stimule l'imagination quant aux différentes pièces dans lesquelles ces accessoires ont été utilisés (et autant de pièces auxquelles on aurait voulu assister!). A noter au passage la qualité des décors, dessinés dans les années 50 pour le Bourgeois Gentilhomme, et des costumes pour ce spectacle.

Enfin, je ne peux m'empêcher de souligner un des textes lu vers la fin du spectacle, au risque de gâcher l'effet de surprise pour ceux qui n'auraient pas vu la pièce (car effet de surprise il y a). Il s'agit de la lecture du journal d'une prisonnière d'Auschwitz qui témoigne du montage d'une troupe et de la pièce jouée par celle-ci (le Malade imaginaire) dans les camps de la mort, au détriment du manque de ressources, aussi bien humaines que matérielles.
C'est un moment fort du spectacle qui, en dépit de sa simplicité, a ému toute l'assistance. Le silence religieux qui entourait cette lecture était éloquent, on se rend compte que le plus bel hommage que Molière ait reçu est sûrement celui de ces femmes.

Cet Hommage à Molière, et au théatre, interprété par la troupe de la Comédie Française est donc des plus réussis et salue avec brio tant le génie immortel de Molière que la richesse de l'art qu'il a servi.