jeudi 11 décembre 2008

L'illusion comique de Pierre Corneille - Galin Stoev

L'illusion comique, pièce écrite par Pierre Corneille, était donnée à la Comédie-Française le 8 décembre selon la vision du metteur en scène bulgare Galin Stoev.

L'illusion comique est l'archétype même de la mise en abyme, on y voit Pridamant qui, afin de savoir ce qu'est devenu son fils Clindor, voit devant lui se jouer la pièce de théatre qui le lui raconte. Il croit cependant que cette pièce, une complexe histoire d'amours dans laquelle Clindor souhaite conquérir Isabelle, est le reflet de la vie de son fils alors qu'elle n'est le reflet que de son état, puisqu'il est devenu acteur de théatre.

La pièce de théatre dans le théatre met ainsi en scène des personnages pour le moins savoureux, un Clindor fougueux et prêt à tout, un Matamore mythomane et poltron à souhait et une Isabelle pleine de vie.
Tous les dialogues étant en vers et fort bien servis par les comédiens, la finesse du texte n'en est que plus savoureuse, c'est un festin littéraire saupoudré un humour subtil, un véritable régal! On peut juste regretter que l'un ou l'autre des comédiens ait parfois tendance à déclamer son texte sans l'articuler assez bien pour qu'on le comprenne (mais c'est rarissime).

La mise en scène de Galin Stoev est intéressante pour ce qui est du jeu de scène: l'utilisation des vitres, l'incorporation des acteurs-spectateurs (Pridamant et Alcandre) dans le même lieu mais sur un autre plan du fait du jeu de scène, le déplacement des personnages (bien qu'un peu trop figé par moments)...
Pour ce qui est des décors et des costumes, bien que leur utilisation soit bien choisie, leur esthétique est contestable et je trouve la scène globalement...moche! L'ambiance d'atelier est judicieuse mais les couleurs sont tristes, les robes rouges des deux femmes, qui contrastent avec les couleurs froides qui les entourent (un choix dont je ne vois d'ailleurs pas l'intérêt ni le sens), pourraient faire exception mais le cadre est tel que ce rouge devient lui aussi lugubre. Heureusement le texte de Corneille est là et les acteurs aussi afin de nous faire oublier cette apparente tristesse et impersonnalité.

C'est donc un très bon moment de théatre auquel on assiste, bien que légèrement desservi par les accessoires qui l'accompagnent, car le théatre auquel Corneille rend ici hommage est un théatre vivant et gai et c'est bien l'impression qui nous reste après cette pièce.

vendredi 5 décembre 2008

Fidelio de L.V Beethoven - Johans Simons

Fidelio, l'unique opéra écrit par Ludwig Van Beethoven était donné le soir du 4 décembre à l'opéra Garnier selon la mise en scène de Johans Simons et les dialogues remaniés par Martin Mosebach.

Leonore (qui donnait initialement son nom à cette oeuvre) veut sauver Florestan, son époux, injustement enfermé par vengeance par Don Pizarro, gouverneur de son état et cruel de ses moeurs. Afin de pénétrer dans la prison, elle se fait passer pour un homme et se fait appeler Fidelio. Elle est ainsi recrutée par l'intermédiaire d'un gardien, Rocco. Par ailleurs, le ministre voulant visiter la prison, le gouverneur doit se débarrasser de Florestan, il entreprend de le tuer et demande à Rocco de creuser sa tombe, ce dernier obéit à contrecoeur et emmène Fidelio. C'est au moment où le gouverneur s'apprête à tuer Florestan que Leonore s'interpose, dévoilant sa véritable identité. Arrive alors le ministre, sur le célèbre air de trompette qui l'annonce (NB: cet air est joué avant le début et la reprise de chaque spectacle à l'Opera-théatre d'Avignon, ce qui est bien plus agréable que la stridente sonnerie des opéras de Paris). Le ministre fait ainsi triompher la justice et la clémence et l'opéra se termine sur un choeur qui n'est pas sans rappeler la IXe symphonie issue du même génie.

Cet opéra est entouré d'une polémique concernant l'esprit du ministre et la vision jugé par certains trop naïve du mariage selon Beethoven, d'où le fait que les dialogues soient souvent l'objet de modifications. Pour ce qui est du mariage, je ne trouve pas cet opéra plus naïf qu'un autre, tous les opéras montrent de tels amants, prêts à tout l'un pour l'autre. Le fait que ceux-ci soient mariés serait-il incompatible avec l'héroïsme de leur amour? Notre époque aurait-elle oublié ce qu'est la fidélité au point de l'opposer à l'amour?
Fidelio est une oeuvre qui n'a cessé d'être retravaillée, par Beethoven lui-même en premier lieu, ainsi l'ordonnance des scènes, les dialogues, les ouvertures, cela peut varier d'une interprétation à l'autre. Je comprend que trop d'importance donnée à l'arrivée du ministre puisse écraser le couple Leonore/Florestan, cela dit les paroles chantées par le choeur donnent à ce ministre du Roi des attributs quasi divins : justice, clémence, amour... Le couple ne cessant de louer Dieu pour leur sort par la suite, la symbolique de ce ministre me semble évidente et l'importance que lui donne Beethoven prend alors tout son sens.
Ici cette symbolique n'est pas, les dialogues de Mosebach et la mise en scène sont en cela cohérents que l'arrivée très simple du ministre montre bien qu'il n'incarne ici rien de plus qu'un politicien arrivé au bon moment, mais un politicien comme on les fait aujourd'hui. Dès le début on comprend en effet qu'il n'est ni innocent ni vraiment juste et s'il désavoue finalement Don Pizarro c'est parce qu'il n'a pas le choix, il se préoccupe seulement de faire bonne figure. C'est un choix de mise en scène qui modernise beaucoup la pièce mais qui a au moins le mérite d'être cohérent. C'est une question de goût, je viens à l'opéra pour rêver et le manichéisme des personnages y contribue, si on vient à l'opéra pour y voir une oeuvre intemporallisée
Voilà pour la polémique

Pour revenir à un point de vue général, c'était une très bonne représentation, très bonne qualité musicale, tant de l'orchestre (qu'on aimerait parfois un peu plus mis en valeur) que des comédiens. La voix d'Angela Denoke (Leonore) nous a enchantés et j'ai particulièrement apprécié Franz-Joseph Solig dans le rôle de Rocco.

Johans Simons, le metteur en scène, a traité cet opéra de façon très sérieuse, presque solennelle pourrait-on dire si le fond s'y prêtait. Mais il ne s'y prête pas, tout se passe en prison, la pompe n'a pas sa place ici (c'est peut être pour ça que certains metteurs en scène se vengent sur le ministre). Les personnages ne bougent guère et lentement, le jeu de scène n'est pas très expansif et pour cause : encore et toujours la prison. Ainsi donc la mise en scène est plutôt aisée pour les comédiens mais elle n'en est pas pour autant simpliste ou décevante, elle est dans le ton et elle est efficace.
J'ai cependant trouvé que l'espace s'en trouvait mal utilisé, car espace il y avait sur la scène. Je concède que concilier utilisation de l'espace et mouvements réduits relève d'un certain tour de force mais c'est bien ce que l'on vient chercher dans un opéra renommé comme l'opéra Garnier.
Les décors pourraient aider à résoudre ce problème d'espace mais ils s'appauvrissent au fur et à mesure que la pièce se déroule, ce qui est cohérent avec le fait qu'on s'enfonce au plus profond du cachot. Le contraste du final est d'ailleurs assez admirable, la scène s'ouvre, les couleurs fleurissent et les grands choeurs dignes d'une IXe symphonie semblent nous libérer du cachot en même temps que Leonore et Florestan et nous faire monter droit au Ciel!
Il est d'ailleurs assez éloquent de voir défiler solos, duos, trios, quatuors et choeurs dans un opéra de moins de 3 heures et l'on ne peut finalement regretter qu'une chose au sujet de Fidelio : qu'il soit le seul écrit par Beethoven.

jeudi 4 décembre 2008

Les Brigands de J. Offenbach - Loïc Boissier

Parce que la culture n'est pas qu'à Paris.
Les Brigands de Jacques Offenbach mis en scène par Loïc Boissier. Séance du 9 novembre à l'Opéra-théatre d'Avignon.

Les opérettes d'Offenbach peuvent être un régal lorsque bien interprétées et celle-ci en est la preuve irréfutable. L'intrigue mêle l'histoire d'amour entre Fiorella, fille du célèbre brigand Falsacappa, et un jeune fermier qu'elle a dépouillé avec son père, celui-ci cherche alors à rejoindre la bande. Falsacappa monte quant à lui un complot pour se substituer à l'ambassdeur espagnol venu réclamer la dot au prince, ceci bien sûr afin d'empocher la dot. Ce qu'il ne sait pas c'est que le trésorier du prince a discrètement vidé les caisses pour satisfaire ses plaisirs personnels.

Nous avons là tous les élements pour faire surgir les situations les plus cocasses: amour, impostures, tromperies et surtout une bande de brigands forts sympathiques.
C'est en effet une troupe joyeuse et harmonieuse qui s'éxecute sous nos yeux, on voit que les acteurs ont plaisir à jouer ensemble et qu'ils s'amusent autant que nous.
La distribution est d'ailleurs très réussie, même si le fermier ressemble plus à une fermière, Falsacappa (Christophe Crapez) semble taillé pour le rôle, Fiorella joue très bien la fière brigande que l'amour attendrit et le chef des carabiniers semble tout droit sorti de la comedia dell'arte.

Musicalement l'orchestre d'Avignon est fidèle à son habituel talent, bien qu'on n'attache généralement moins d'importance à l'orchestre lors des opérettes, les acteurs sont également à la hauteur musicalement, en harmonie avec leur jeu de scène. Je ferai juste une exception pour le trésorier du prince dont je n'ai guère apprécié la prestation tant musicalement que gestuellement, il n'est pas dans le ton, on le croierait sorti de la "Star'Ac"!

Quant à la mise en scène elle sait toujours surprendre et faire rire, elle est vivante et utilise très bien l'espace scénique, et même au delà. Le jeu de scène est parfois tout à fait hilarant (l'ambassade d'Espagne par exemple) et sonne toujours juste. Les décors et costumes sont dans le ton, plus ou moins d'époque, efficaces pour le moins, et bien utilisés par les acteurs.

Il n'y a rien de plus à dire, c'est une réussite, drôle et prenant, joyeux et dynamique, et en plus ça finit bien. Je souligne une fois de plus la belle unité de la troupe qu'on ressent tout du long et qui fait mouche.

Bravo à Loïc Boissier, à Stéphane Vallé et à la troupe.

mercredi 3 décembre 2008

Le Mariage de Figaro de Beaumarchais - Christophe Rauck

Séance du 15 novembre à la Comédie Française : Le mariage de Figaro , pièce de Beaumarchais mise en scène par Christophe Rauck.

Résumé d'après la rédaction de la Comédie Française :
"La plus badine des intrigues. Un grand seigneur espagnol, amoureux d’une jeune fille qu’il veut séduire, et les efforts que cette fiancée, celui qu’elle doit épouser, et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. Voilà tout, rien de plus. " Voici le résumé de cette pièce selon Beaumarchais lui même. Cette pièce vient à la suite de la vie de Figaro évoquée dans la préface du Barbier de Séville. Trois ans plus tard, voici donc les héros réunis pour le mariage de Figaro, valet du comte Almaviva, et de Suzanne, camériste de Rosine devenue comtesse. Durant cette folle journée, Figaro remet en cause la relation maîtrevalet en contrant les projets du comte à l’égard de Suzanne. Grâce à la coalition des femmes, la comtesse et sa suivante, le comte est mis hors d’état de nuire.

La mise en scène de Christophe Rauck n'est pas pour déplaire, plutôt sobre dans les décors et les costumes, atemporel même, mais dans le ton. Un peu plus de recherche n'aurait pas été pour me déplaire mais la pièce n'en souffre pas trop : on s'y retrouve malgré tout, on comprend, on entre dans le jeu.
Car jeu il y a, le jeu de scène est bon, il sait surprendre et faire rire, quelques moments décalés (le bal du mariage par exemple est surprenant et drôle) mais pas trop, on reste dans les limites (heureusement). Les acteurs de la Comédie sont très bons dans leurs rôles respectifs mais ont parfois manqué de clarté dans leur élocution, tout n'était pas compréhensible de là où j'étais placé (mais j'étais mal placé je l'avoue). Laurent Stocker est très bon en Figaro tantôt rusé, tantôt jaloux, tantôt amoureux, tantôt icônoclaste etc. Un bémol pour le célèbre monologue du dernier acte qui jurait avec le reste de sa performance par manque de conviction.

Mon plus gros reproche est à la mise en scène qui manque de rythme. Par moments tout va très vite, il faut être concentré pour tout saisir, l'umbriglio entre les personnages est déjà assez complexe au début pour que la mise en scène nous rende la chose encore plus compliquée. A d'autres moments, cette mise en scène souffre de longueurs et s'essouffle. La pièce avance ainsi par syncopes fatiguantes au milieu desquelles il est difficile ne pas décrocher durant ce spectacle de moins de 3 heures.

Je m'aperçois que je suis un peu dur avec cette pièce qui m'a somme toute fait passer une très bonne soirée. Rassurez-vous donc, éclats de rire et émotions sont au rendez vous et je conseille volontiers cette interprétation malgré les quelques bémols soulignés plus haut.
Après tout, Beaumarchais l'a cherché et Christophe Rauck également en le choississant puisque Figaro lui même me donne bonne conscience : "Sans fierté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur"!

La mégère apprivoisée de W. Shakespeare - Okaras Korsunovas

La Comédie-Française nous propose depuis quelques temps La Mégère apprivoisée de William Shakespeare, mise en scène par le lituanien Okaras Korsunovas. Séance du 2 décembre 2008 au soir.

Cette comédie peu connue désigne, par le titre de mégère, Catarina, l'acariatre fille ainée d'un riche marchand de Padoue qui essaie tant bien que mal de marier son ainée tandis que sa cadette est courtisée de toutes parts. Bianca, la cadette, ne peut être mariée avant Catarina, c'est pourquoi ses prétendants se liguent pour trouver un homme assez cupide, Petruccio, pour épouser Catarina, bon gré mal gré. Petruccio va réussir, à force de cruelles privations, à apprivoiser sa femme, jusqu'à la soumission complète. Shakespeare joue dans cette pièce, une de ses premières comédies, sur les cordes de la relation maitres et valets et sur la guerre des sexes mais détonne quelque peu du genre par la personnalité de ses protagonistes.

La mise en scène d'Okaras Korsunovas a rencontré un certain succès auprès des critiques. Je ne serai pas de ceux là.
Il faut reconnaître que le rythme endiablé de la pièce est dynamisant tout au long de ce spectacle de 3 heures, les acteurs sont talentueux et rentrent bien dans le jeu, c'est indéniable. Cette mise en scène très dansante, une véritable chorégraphie, est réellement servie par des acteurs dynamiques et enjoués, tellement que ç'en devient...puéril.

Puérile. C'est ainsi que je qualifierai cette mise en scène. Des effets musicaux faciles sur des gags souvent grotesques, on a parfois l'impression de regarder un guignol ou un dessin animé, l'effet comique voulu par la mise en scène manque de subtilité et s'avère parfois assez lourd tandis que les personnages (Catarina et Petruccio) sont au contraire assez subtils par leur jeu de scène. C'est le contraire qui aurait été préférable, les personnages shakespeariens sont lourd: Catarina devrait être plus agressive et Petruccio plus rustre, de là aurait dû naître l'effet comique car c'est de Shakespeare qu'il serait venu. Ici il semble plutôt que le metteur en scène a voulu éluder le comique de Shakespeare et recréer lui-même le comique de la pièce par des effets pour le moins grotesques.

Je ne m'attarderai pas sur les costumes qui sont en fait symbolisés sur des panneaux de bois, habit d'un coté, miroir de l'autre, tenus par les acteurs, eux mêmes vêtus de noir. Je ne suis pas très friand des mises en scène trop modernes et décalées. Les costumes sont à mon goût une partie importante de la scène et cette pratique originale (peut être trop), bien que contribuant à des effets de scène intéressants (changements de costume, reflets de miroir, chorégraphies...), a quelque peu dégradé mon immersion et ma sympathie pour la mise en scène.

Le manque de brutalité que je relève chez les personnages principaux ici interprétés vient à mon avis du fait que Okaras Korsunovas a voulu en faire des amoureux. C'est un choix que certains font afin d'atténuer le propos de la pièce jugé par trop misogyne ("soyez soumises à votre mari, il est votre seigneur, etc....") : la mégère ne joue les dominées et l'époux ne joue les dominants que par amour l'un pour l'autre. Au risque de choquer certains bien-pensants, je préfère la version machiste du premier degré, je trouve cela bien plus amusant, ne serait-ce que par anachronisme entre la bienséance de l'époque shakespearienne et celle d'aujourd'hui.
Et puis mince, ce n'est que du théatre!

Ouverture de Chez Cyrano

Bienvenue chez Cyrano.

En fait Cyrano n'a pas un intérieur très habité, il est toujours en vadrouille, raillant l'un à droite, pourfendant l'un à gauche, courtisant Roxane au milieu.

Chez Cyrano, ce n'est donc pas réellement son domicile, le seul intérieur où il est un peu chez lui serait plutôt chez son ami Ragueneau, le patissier poète.

S'il faut que nous soyons quelque part, nous serons donc chez Ragueneau, accompagnés de Cyrano, vantant les arts dignes de ce nom, et pourfendant les impostures.

Il sera donc ici question de théatre, d'opéra, de vins et autres arts de vivre dont je souhaiterai faire partager l'expérience

Bonne visite