vendredi 5 décembre 2008

Fidelio de L.V Beethoven - Johans Simons

Fidelio, l'unique opéra écrit par Ludwig Van Beethoven était donné le soir du 4 décembre à l'opéra Garnier selon la mise en scène de Johans Simons et les dialogues remaniés par Martin Mosebach.

Leonore (qui donnait initialement son nom à cette oeuvre) veut sauver Florestan, son époux, injustement enfermé par vengeance par Don Pizarro, gouverneur de son état et cruel de ses moeurs. Afin de pénétrer dans la prison, elle se fait passer pour un homme et se fait appeler Fidelio. Elle est ainsi recrutée par l'intermédiaire d'un gardien, Rocco. Par ailleurs, le ministre voulant visiter la prison, le gouverneur doit se débarrasser de Florestan, il entreprend de le tuer et demande à Rocco de creuser sa tombe, ce dernier obéit à contrecoeur et emmène Fidelio. C'est au moment où le gouverneur s'apprête à tuer Florestan que Leonore s'interpose, dévoilant sa véritable identité. Arrive alors le ministre, sur le célèbre air de trompette qui l'annonce (NB: cet air est joué avant le début et la reprise de chaque spectacle à l'Opera-théatre d'Avignon, ce qui est bien plus agréable que la stridente sonnerie des opéras de Paris). Le ministre fait ainsi triompher la justice et la clémence et l'opéra se termine sur un choeur qui n'est pas sans rappeler la IXe symphonie issue du même génie.

Cet opéra est entouré d'une polémique concernant l'esprit du ministre et la vision jugé par certains trop naïve du mariage selon Beethoven, d'où le fait que les dialogues soient souvent l'objet de modifications. Pour ce qui est du mariage, je ne trouve pas cet opéra plus naïf qu'un autre, tous les opéras montrent de tels amants, prêts à tout l'un pour l'autre. Le fait que ceux-ci soient mariés serait-il incompatible avec l'héroïsme de leur amour? Notre époque aurait-elle oublié ce qu'est la fidélité au point de l'opposer à l'amour?
Fidelio est une oeuvre qui n'a cessé d'être retravaillée, par Beethoven lui-même en premier lieu, ainsi l'ordonnance des scènes, les dialogues, les ouvertures, cela peut varier d'une interprétation à l'autre. Je comprend que trop d'importance donnée à l'arrivée du ministre puisse écraser le couple Leonore/Florestan, cela dit les paroles chantées par le choeur donnent à ce ministre du Roi des attributs quasi divins : justice, clémence, amour... Le couple ne cessant de louer Dieu pour leur sort par la suite, la symbolique de ce ministre me semble évidente et l'importance que lui donne Beethoven prend alors tout son sens.
Ici cette symbolique n'est pas, les dialogues de Mosebach et la mise en scène sont en cela cohérents que l'arrivée très simple du ministre montre bien qu'il n'incarne ici rien de plus qu'un politicien arrivé au bon moment, mais un politicien comme on les fait aujourd'hui. Dès le début on comprend en effet qu'il n'est ni innocent ni vraiment juste et s'il désavoue finalement Don Pizarro c'est parce qu'il n'a pas le choix, il se préoccupe seulement de faire bonne figure. C'est un choix de mise en scène qui modernise beaucoup la pièce mais qui a au moins le mérite d'être cohérent. C'est une question de goût, je viens à l'opéra pour rêver et le manichéisme des personnages y contribue, si on vient à l'opéra pour y voir une oeuvre intemporallisée
Voilà pour la polémique

Pour revenir à un point de vue général, c'était une très bonne représentation, très bonne qualité musicale, tant de l'orchestre (qu'on aimerait parfois un peu plus mis en valeur) que des comédiens. La voix d'Angela Denoke (Leonore) nous a enchantés et j'ai particulièrement apprécié Franz-Joseph Solig dans le rôle de Rocco.

Johans Simons, le metteur en scène, a traité cet opéra de façon très sérieuse, presque solennelle pourrait-on dire si le fond s'y prêtait. Mais il ne s'y prête pas, tout se passe en prison, la pompe n'a pas sa place ici (c'est peut être pour ça que certains metteurs en scène se vengent sur le ministre). Les personnages ne bougent guère et lentement, le jeu de scène n'est pas très expansif et pour cause : encore et toujours la prison. Ainsi donc la mise en scène est plutôt aisée pour les comédiens mais elle n'en est pas pour autant simpliste ou décevante, elle est dans le ton et elle est efficace.
J'ai cependant trouvé que l'espace s'en trouvait mal utilisé, car espace il y avait sur la scène. Je concède que concilier utilisation de l'espace et mouvements réduits relève d'un certain tour de force mais c'est bien ce que l'on vient chercher dans un opéra renommé comme l'opéra Garnier.
Les décors pourraient aider à résoudre ce problème d'espace mais ils s'appauvrissent au fur et à mesure que la pièce se déroule, ce qui est cohérent avec le fait qu'on s'enfonce au plus profond du cachot. Le contraste du final est d'ailleurs assez admirable, la scène s'ouvre, les couleurs fleurissent et les grands choeurs dignes d'une IXe symphonie semblent nous libérer du cachot en même temps que Leonore et Florestan et nous faire monter droit au Ciel!
Il est d'ailleurs assez éloquent de voir défiler solos, duos, trios, quatuors et choeurs dans un opéra de moins de 3 heures et l'on ne peut finalement regretter qu'une chose au sujet de Fidelio : qu'il soit le seul écrit par Beethoven.

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